Mike Postle: le dieu qui trichait

Ce n’est un secret pour personne, tous les jeux d’argent auxquels on peut s’adonner dans les casinos du monde entier sont des jeux basés sur le hasard. Avec un peu de chance, vous pouvez ressortir d’un établissement de jeu avec les poches un peu plus remplies qu’en y entrant, mais cela reste un divertissement avant tout et peu ont la chance de pouvoir faire du casino leur gagne-pain.

Mais de tous les jeux d’argent qui existent sur cette planète, le poker est peut-être celui qui est le moins hasardeux de tous. En effet, si la chance joue un rôle relativement important, le poker est avant tout un jeu où l’audace et la stratégie jouent des rôles prépondérants. Certains joueurs ont d’ailleurs réussi à remporter des sommes colossales lors de prestigieux tournois, comme les World Series of Poker (WSOP).

Sans être un de ces joueurs, Mike Postle a tout de même réussi à se faire un nom dans le milieu du poker. Très rapidement, l’Américain est devenu la star du casino Stones Gambling Hall de Sacramento, en Californie. Véritable showman, il éclaboussait ses adversaires, les spectateurs et les commentateurs de son talent, à coup de calls ou de bluffs venus d’ailleurs. Mais tout cela n’a pas duré lorsqu’une lanceuse d’alerte a accusé Mike Postle de triche, ce qui a secoué le monde du poker.

Aujourd’hui, Matoupris revient sur ce scandale qui a permis de faire la lumière sur celui que l’on surnommait le Dieu du Poker.

Des débuts prometteurs

Mike Postle est un joueur américain qui débute sa carrière en 2005. Après avoir participé à plusieurs tournois, c'est deux ans plus tard, en 2007, qu'il obtient son premier gain et à 6 chiffres, en remportant 118 743 dollars dans un World Poker Open qu’il remporte. Sans remporter des sommes astronomiques, Mike enchaîne les petits tournois et parvient à totaliser près d’un demi-million de dollars de gains.

Mais c’est réellement au casino Stones Gambling Hall, situé à Sacramento en Californie, que Mike parvient à se construire une réputation de joueur de génie. En effet, le casino californien organisait régulièrement des parties de cash game retransmises en direct et commentées par des spécialistes, dans lesquelles Mike brillait. Conscient du potentiel du joueur, le Stone Gambling Hall décide de miser sur lui en lui proposant des soirées cash game où il serait la vedette, des soirées connues sous le nom de “Postle and Pals” (“Postle et ses potes). Lors de ses retransmissions, les commentateurs étaient littéralement sous le charme de Postle, s’extasiant à chaque call de génie et en le comparant même à… Jésus Christ ! Rien que ça. C’est de là que viendra le surnom “God of Poker”.

Véritable star, Mike Postle mettait des étoiles dans les yeux de tous les spécialistes. Tous… sauf une.

Veronica Brill : la lanceuse d’alerte

Si le désormais God of Poker Mike Postle éblouissait la grande majorité de son talent et de son audace, une personne est restée assez sceptique sur les exploits du joueur : Veronica Brill.

Veronica est une joueuse occasionnel de poker, connue dans le milieu comme “Angry Polak” (la Polonaise furieuse). Durant sa carrière, elle parvient à amasser quelques 20 000 dollars de gains. Mais aussi et surtout, Brill est connue comme étant une des toutes premières commentatrices pour les shows streamés par le casino Stones Gambling Hall. Comme Postle, elle organisait ses propres parties de cash game, les “Veronica and Friends” (Veronica et ses amis).

C’est au mois de mars 2019 que la joueuse née en Pologne commence à émettre des doutes sur Mike Postle. Des doutes qu'elle a partagé à un certain Justin Kuraitis, qui n’est autre que le directeur du casino californien. Mais le manager ne veut rien entendre et balaye d’un revers de main les accusations portées par la jeune femme, avançant comme preuves les nombreux bad runs de Postle, que l’on n’a pas réussi à retrouver.

Mais les doutes ne s’estompent pas du côté de Veronica Brill et ils vont même se confirmer lors d’une partie streamée en septembre 2019. Après un choix osé de la part du God of Poker, si son partenaire aux commentaires applaudissait le move, Veronica reste de marbre et lâche des mots forts, que vous pouvez retrouver dans ce replay de la partie en question (à partir de 5:13:01).

“Ça ne fait aucun sens… c’est comme s'il savait !” De là, la jeune femme sait qu’elle n’a plus le choix et qu’elle doit faire part de ses préoccupations. Elle finit par le faire une semaine après la partie en question sur le réseau social Twitter, où elle écrit un long thread, que vous pouvez retrouver ici. Ce thread fait l’effet d’une bombe et amène à la fois le casino Stones Gambling Hall et Mike Postle lui-même à nier en bloc ses accusations.

Le monde du poker contre Mike Postle

Dès lors que Veronica avait lâché son thread sur Internet, le monde du poker s’est divisé en deux camps : ceux qui croyaient en Mike Postle et ceux qui pensaient que Veronica avait vu juste. Et ce sont ces derniers qui vont nous intéresser.

En effet, afin d’appuyer les dires de la jeune femme, certaines personnes se sont littérallement pliés en quatre afin de prouver la triche perpétuée par Mike Postle. C’est ainsi que des forums ultra-complets et ultra-détaillés ont vu le jour, décortiquant avec une précision d’orfèvre les sessions de jeux du God of Poker. Un Youtuber américain a même sorti une vidéo de plus de cinq heures, analysant chacune des mains de Postle. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que toutes ses analyses n’allaient pas vraiment dans le sens du joueur américain.

En effet, sur 88 sessions de jeu analysées, Postle a remporté pas moins de 75 d’entre elles, soit plus de 85 % de réussite ! Selon ses conclusions, il aurait même amassé près 250 000 dollars en 250 heures de jeu, soit 10 fois plus que ce que les meilleurs joueurs du monde peuvent gagner. Des chiffres ultra-impressionnants qui peuvent cependant faire douter de l’intégrité du joueur. Alors, tout cela soulève sans doute LA question que tout le monde se pose : comment Mike Postle arrivait-il à tricher ?

La méthode utilisée

Pour tricher, il semblerait que Mike Postle ait mis deux méthodes de triche en place. Chacune de ses méthodes impliquaient l’utilisation de la technologie RFID, qui permet à ceux qui suivent en direct une partie de poker de connaître les mains des joueurs. L’Américain aurait ainsi exploité cette technologie afin de pouvoir ensuite jouer en fonction, et ainsi paraître pour un véritable génie.

La première semble complètement folle tant elle est simpliste. En effet, alors que la triche n’en est qu’à ses balbutiements, notre ami Mike aurait tout simplement posé son téléphone sur ses genoux et de suivre le live, les mains des joueurs étant affichées à l’écran. Mais forcément, aussi simple qu’elle soit, cette méthode était également extrêmement risquée. C’est ainsi que Postle aurait mis au point une seconde méthode, plus discrète.

Si la première méthode était basée sur l’image, cette méthode est quant à elle plutôt tournée sur l’audio. En effet, très souvent, Mike portait une casquette durant ses sessions, facilitant ainsi l’installation d’une oreillette, qui lui aurait communiqué les mains de ses adversaires. Mais cette méthode signifiait également une chose : Mike Postle aurait au moins un complice. Très vite, les soupçons se tournent vers deux hommes : Taylor Smith, un employé du Stones Gambling Hall, et Justin Kuraitis, qui avait défendu bec et ongle Postle.

Des procès en pagaille

Suite aux révélations faites par Veronica Brill, appuyés par les analyses ultra poussées de nombreux aficionados du poker en ligne, 24 joueurs de poker ont décidé de porter plainte contre Mike Postle et le casino californien, incarné par son directeur Justin Kuraitis. En effet, ils estiment que la triche du joueur les a impactés financièrement. Ils demandent ainsi pas moins de 30 millions de dollars en compensation.

Cependant, la justice californienne a tranché en faveur de Mike Postle, le juge chargé de l’affaire ayant décidé de rejeter les plaintes car la dénonciation de l'affaire a eu lieu sur les réseaux sociaux. En effet, le juge considère que les preuves contre Postle auraient pu être exagérées par ces mêmes réseaux sociaux, ce qui l’aurait ainsi empêché de se défendre pleinement.

Quelques mois plus tard, un accord a été trouvé entre 60 des 88 personnes ayant portés plainte, Justin Kuraitis et le groupe King’s Casino LLC, qui possède le Stones Gambling Hall. À noter que la lanceuse d’alerte Veronica Brill, ne fait pas partie de ces 60 personnes ayant accepté l’accord. L’histoire aurait pu s’arrêter là mais non ! Car à peine un mois après cet accord, c’est Mike Postle lui-même qui a décidé de porter plainte contre une douzaine de personnes qu’il accuse de diffamation, dont les joueurs de poker Daniel Negreanu, Phil Galfond, mais également contre la chaîne ESPN. Il réclame 330 millions de dollars en dédommagement.

En 2021, plusieurs personnes poursuivent Mike Postle en justice, dont Veronica Brill, pour entrave à sa liberté d’expression. L’Américain sera condamné à verser 27 000 dollars à la jeune femme.

Jamais la culpabilité de Mike Postle n’aura été véritablement vérifiée, mais il ne fait aucun doute que ce qu’on appelle le “Postlegate” aura eu un impact non négligeable sur le monde du poker.